Intervention de Michelle Rivet
Monsieur le président, chers collègues, l’agriculture doit-elle être classée comme une activité économique ?
Oui, du point de vue des agriculteurs. Non, du point de vue collectif.
Elle fournit un service vital : celui de nous nourrir, un service qui a une valeur stratégique majeure puisqu’il permet l’indépendance politique, la souveraineté alimentaire.
Elle est souvent le principal acteur de l’aménagement des territoires ruraux et de la qualité de l’eau, et ses pratiques ont des impacts importants sur la santé.
Ces fonctions justifient à la fois le soutien permanent à l’agriculture et les exigences qui en découlent.
Pour nous écologistes, deux finalités doivent donc guider la politique agricole : une alimentation de qualité pour tous et un revenu correct pour les producteurs. J’insiste sur ce dernier point, plus important à atteindre que la compétitivité mentionnée dans le titre du rapport.
Compétitivité peut sous-entendre en effet poursuivre une politique de plan social agricole alors que nous souhaitons quant à nous des agriculteurs en plus grand nombre.
Au delà du titre, cependant, le rapport propose une ambition que nous partageons totalement. Le contexte du changement climatique et l’effondrement très rapide de la biodiversité exigent une adaptation à marche forcée de toutes nos activités. Mais l’agriculture va subir et subit déjà de plein fouet le choc de la crise climatique.
La transition agro-écologique s’impose donc. Elle nécessite de revisiter la recherche et la formation, de laisser de côté les paradigmes du passé. Elle exige aussi de desserrer le carcan des industries d’amont et aval qui encadrent les producteurs et les ont persuadés que leurs intérêts sont liés aux leurs. Les industriels de la chimie bénéficient en effet indirectement des soutiens à l’agriculture aux dépens du revenu final des agriculteurs. La tentative du ministre de l’agriculture de revenir sur l’interdiction des néonécotinoïdes est une illustration des pressions à l’œuvre.
Je salue donc la priorité affichée de faire de notre Région une région pionnière et engagée dans la transition agro-écologique. Cette priorité devra s’appliquer aussi à la recherche et l’innovation, privilégier l’agronomie et s’attacher aux problématiques du changement climatique. Elle doit inclure la mobilisation des agriculteurs mais aussi d’associations qui travaillent sur les semences locales telles l’Union pour les Ressources Génétiques du Centre.
Mais la grande nouveauté dans ce rapport est la place faite au lien agriculture -alimentation. L’agriculture de demain se construira avec et pour les consommateurs devenus « consomm’acteurs » pour paraphraser le rapport. Ce lien est pour les uns la possibilité de revendiquer une alimentation de qualité et pour les autres celle de se réapproprier la valeur ajoutée de la production.
Cette nécessaire évolution participe à la reconquête de la fierté du métier, des métiers proposés par l’agriculture, à leur ouverture à d’autres que les enfants d’agriculteurs, à leur capacité d’attirer des jeunes. C’est l’objet de trois orientations de cette politique autour de l’humain.
En regard des orientations générales, la principale évolution des cadres d’intervention est l’intégration du FEADER et son articulation avec les politiques régionales, principalement les Cap filières.
Je veux saluer le travail des services à cette traduction opérationnelle .
A noter la mise en cohérence des bonifications de taux des aides avec une progressivité qui favorise les productions sous signe de qualité et l’agriculture biologique. C’est un signal important pour imaginer une politique alimentaire basée sur le local et la qualité et permettre le développement de la restauration collective ou touristique et de la transformation sur des productions reconnues et fiables.
C’est aussi un signe en direction de l’emploi puisque les fermes biologiques de notre région par exemple occupent deux fois plus de monde que les fermes conventionnelles.
Nous sommes en revanche plus circonspects sur question des investissements pour lesquels nous demandons un examen à la lumière des mêmes critères. Leur importance ne constitue pas en soi une preuve de modernisme ou de rentabilité : ils peuvent être un boulet traîné par les agriculteurs tout le long de leur carrière et il faut en examiner au cas par cas leur utilité sociale et environnementale. La priorité doit aller au financement de l’agriculture biologique d’autant que les fermes les plus respectueuses de l’environnement continuent à recevoir moins d’aides que les autres.
Vous l’aurez compris, nous voterons ce rapport et exercerons notre vigilance sur ces points en droite ligne avec l’ambition affichée : faire de notre Région une région exemplaire pour la transition écologique.
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